Version originale
Voici la nuit de l'espace. Les étoiles innombrables luisent comme de la poussière de diamant ou, comme diraient certains, comme de grosses boules d'hydrogène qui explosent à très grande distance. Mais il y en a qui disent n'importe quoi.
Une ombre commence à masquer le scintillement lointain, une ombre plus noire que l'espace lui-même.
D'ici, elle a l'air aussi beaucoup plus grande car l'espace ne l'est pas vraiment, grand, c'est seulement quelque part où l'ont peut être grand. Les planètes sont grandes, mais c'est dans leur nature et il n'y a rien d'extraordinaire à suivre sa nature.
Cette silhouette qui occupe le ciel comme le pied de Dieu n'est pourtant pas une planète.
C'est une tortue de quinze mille kilomètres de longs depuis la tête criblée de cratères jusqu'à la queue cuirassée.
Et la Grande A'Tuin, elle, est gigantesque.
D'immenses nageoires se lèvent et s'abaissent pesamment; elles gauchissent l'espace en d'étranges configurations. Le Disque-monde glisse dans le ciel, telle une nef royale. Mais à présent, même la Grande A'Tuin doit lutter alors qu'elle quitte les profondeurs libres de l'espace pour affronter les pressions lancinantes des hauts-fonds solaires. La magie est ici plus faible, sur le littoral de la lumière. Elle va ainsi progresser pendant encore bien des jours, et le Disque-monde disparaîtra sous les pressions de la réalité.
La Grande A'Tuin le sait, mais la grande A'Tuin se rappelle avoir déjà accompli la même chose des milliers d'années plus tôt.
Les yeux astrochéloniens ne se concentrent pas sur l'étoile naine qui les éclaire de sa lueur rouge mais sur un petit pan d'espace à côté...
© Terry Pratchett
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