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Pratchett : Ses Prophètes, Bernard Pearson, The Cunning Artificer

Ok, donc un joli samedi matin, je suis repartie pour Wincanton pour interviewer Bernard Pearson, propriétaire de "The Cunning Artificer", boutique dédiée à Terry Pratchett et au Disque-monde (voir notre article "Un monde bien étrange" dans la Byblyothèque).

J'ai été très très bien reçue et avant de commencer l'interview proprement dite avec M. Pearson, nous avons papoté sur différentes choses, comme l'humour britannique et les Monty Python. J'ai aussi expliqué que les fans français avaient très peu accès aux produits dérivés et aux activités en rapport avec le Disque-monde.

Puis j'ai enclenché mon magnéto pour enregistrer l'interview et c'est parti.



Q : Qui êtes-vous ?

R : Oh, je suis l'homme le plus gros du Disque-monde, un créateur d'objets intéressants qui ont un rapport direct avec les livres de Terry Pratchett.


Q : Pourquoi avoir ouvert cette boutique ?

R : C'est très simple. Je voulais une vie facile. Je voulais vivre près d'un pub. J'ai vécu dans un milieu rural pendant de nombreuses années et j'ai fini par en avoir marre : mes poules sont mortes, mon chien est mort et je me suis dit "allons vivre ailleurs, au chaud". Donc nous avons déménagé de l'est de l'Angleterre, qui est très froid, au sud qui est très chaud et pluvieux. Et on s'est dit "que faire maintenant que nous sommes ici ?". Et c'était l'idée de Terry de venir vivre dans cette partie du monde... et on a ouvert cette petite boutique.


Q : Vous parlez de Terry comme d'ami. Vous le connaissez bien ?

R : Je l'ai rencontré quand j'ai voulu faire des sculptures à partir de ses livres. Nous nous sommes rencontrés et il a aimé ce que je faisais. Il a aimé mon idée et nous avons fondé Clarecraft.


Q : Comment avez-vous découvert les livres de Terry ?

R : Grâce à ma femme Isobel. C'est elle qui a lu ses livres en premier. Je ne suis qu'un vieil homme qui croit en Tolkien et je lis beaucoup de fantasy et de folklore, et je considérais les livres de Terry avec une certaine dérision, si ce n'est du mépris. Parce que les couvertures étaient étranges et parce que c'était drôle. Vous n'êtes pas censés être drôle si c'est de la fantasy. La fantasy et le folklore sont censés être sérieux. Monsieur Tolkien est très sérieux, vous savez. Isobel lisait alors la Huitième Couleur et ça lui plaisait. Elle riait. Donc, quand vous avez quelqu'un assis à vos côtés dans le lit, qui rit, quand vous savez que cette personne a eu une journée particulièrement pénible avec quatre enfants, et la maison, et que cette personne rit alors que vous essayez de dormir, alors ce qu'elle lit doit être vraiment bien. Finalement je les ai lu en secret. C'est de la faute de ma femme et j'ai continué à lire parce que c'était incroyablement bon...


Q : Pourquoi adhérez-vous à ces idées ?

R : Parce que nous avons la même tournure d'esprit. Je comprend ce qu'il essayait d'obtenir et je comprenais le message de ses livres. Quand vous lisez un livre, le langage marche sur plusieurs niveaux et je pense qu'être écrivain est la tâche la plus difficile qui soit, plus difficile que cuisinier ou musicien par exemple. Un cuisinier est remercié par un rôt et le musicien par un écho, mais un écrivain... Il doit introduire des mots dans la tête de quelqu'un d'autre et espérer que ces mots signifient approximativement la même chose au lecteur qu'à celui qui les a écrits. Si je dis "jaune", vous penserez à un jaune totalement différent de celui auquel je pense.


Q : Un personnage préféré ?

R : Non. Il y a des personnages auxquels je m'identifie, dans le sens où je crois savoir d'où ils viennent. Comme Vimaire, que j'aime énormément, Commandant Vimaire, du Guet. Je sais, parce que j'ai été un policier, ce qu'avoir peur signifie et je pense que Vimaire passe une grande partie de sa vie en colère et dans la peur. Et je comprends ça (rires). Je comprends parfaitement ça. Mais quand vous sortez des personnages, vous en faîtes entrer obligatoirement d'autres, juste pour un seul livre. Et certains de ces personnages "résonnent" en vous. Je ne peux pas dire qu'il y en ait un en particulier, vous voyez, c'est plus l'ambiance générale du Guet que j'aime. C'est l'ambiance ou un groupe de personne qui me plait et je m'identifie à eux d'une manière ou d'une autre. Je m'identifie à aux membres de l'Université Invisible parce que leur truc, ce sont les dîners et que j'aime manger et que j'y suis doué.


Q : Est-ce qu il y a une invention disque-mondienne qui vous plairait ?

R : Oh, oui ! HEX [1]. Parce que c'est un ordinateur dont je peux comprendre le fonctionnement. J'ai fait des sculptures de HEX et je sais finalement que ce n'est qu'une grosse machine. Je sais que c'est un tas massif de tubes avec des fourmis et je comprends ça bien mieux qu'un ordinateur moderne, qui, pour moi, est magique. Ce n'est rien de moins que de la sorcellerie. Chaque fois que j'allume mon ordinateur, c'est magique. Et quand ça ne marche pas, c'est de la satanée magie noire [2]. Et je dois avoir recours à des magiciens sacrément intelligents comme mon fils, l'un des mes fils, pour le réparer parce que je ne peux pas le faire. C'est pourquoi, pour moi, c'est magique. Comme un magnétoscope, une télévision ou un moteur de voiture, c'est magique tellement c'est compliqué. Mais HEX... c'est un ordinateur fait avec des fourmis et des bouts de machinerie et ça, je le comprends.

Q : Est-ce qu'il y a des contreparties des personnages du Disque-monde sur Terre ?

R : Oh oui, facilement, oui ! Car Terry écrit sur la condition humaine. C'est un écrivain qui observe les gens et c'est un merveilleux observateur, qui voit comment les gens marchent, interagissent, et ce qu'ils ont en commun. Par conséquent, bien que le Disque-monde et ses habitants soient différents de la Terre et de nous, il y a d'importantes similitudes. Les gens sont les mêmes partout. Si vous lisez le livre avec M. Tate, le meurtrier de ..., je me suis assis dans la même cellule que cet homme qui était un meurtrier il y a 35 ans et j'appelle ça un "foutu meurtrier" [3] et Terry a créé une situation dans le Disque-monde où ce meurtrier reste un être humain que je peux comprendre, que j'ai pu rencontrer. On retrouve la même chose avec Carotte, cet homme si droit que ça fait mal. Je sais que de nombreux personnages sont d'abord des personnes que Terry connait. Mémé Ciredutemps était, je pense, une dame qu'il connaissait dans sa jeunesse ou, tout du moins, un aspect de cette dame. Puis apparemment il a développé le personnage. Il y a des personnes qui entrent dans ma boutique qui sortent tout droit du Disque-monde mais ils ne le savent même pas.


Q : Pourquoi ce jumelage entre Wincanton et Ankh-Morpork ?

R : Parce que cela me faisait rire. Parce que le système politique anglais est seulement un peu moins corrompu que le systéme français, qui est beaucoup moins népotique. Cela me rappelle le livre de Chevalier, Clochemerle, que j'ai lu il y a longtemps. Je suis un anglais typique, je ne parle qu'anglais parce que je sais que Dieu est anglais, parce que le monde est un tel bazar [4]. Et quand vous venez vivre dans une petite ville, comme je l'ai fait, la vie ici a des nombreuses similitudes avec Clochemerle. Et je me suis dis "quel meilleur moyen de s'amuser que de jumeler une ville avec un lieu qui n'existe pas ?": Du Monty Python ! Les gens du coin ont accroché merveilleusement bien. On a eu un énorme succès. On est passé à la télévision nationale. On devrait le refaire. C'était fantastique.


Q : Et la population locale ?

R : Oui, la population locale nous aidait car ça fait vivre le tourisme local. On va le refaire. Chaque année, on va organiser une sorte de cérémonie et on va aussi ouvrir un consulat ankh-morpokien ici, à Wincanton. Cela va avoir lieu en mai. On va vendre des drapeaux, on va tamponner les passeports, un vrai consulat !


Q : Comment avez-vous convaincu le maire ? C'est un de vos amis, je crois.

R : Oui, le maire est un ami et on va boire ensemble. Il nous soutenait car il savait que ça allait bénéficier à la ville. Ça n'a pas posé de problème mais certains des conseillers municipaux étaient contre. Certains membres des Églises fondamentales étaient très inquiets par cette idée à cause de tous ses gens habillés en sorciers et sorcières. Ils trouvaient ça satanique. Pas l'Église catholique, mais certaines de ses "Églises Bienheureuses", qui sont à l'extrême-droite de l'Évangile. Ils étaient très inquiets, très anxieux...


Q : À cause des sorcières ?

R : Oui, je sais, c'est stupide, n'est-ce pas ? Ce n'est qu'une secte de peu d'importance mais, pour eux, toute personne habillée en sorcière ou en mage est maléfique. C'est stupide. Les sorcières ne portent pas de drôles de vêtements, les vraies, ça je le sais (rires).


Q : Et si le Disque-monde finissait par envahir la Terre ?

R : Si la Terre devenait comme Ankh-Morpork ? Mais c'est déjà le cas. Il n'y a rien qui arrive à Ankh-Morpork, à l'exception de la magie et j'utilise le mot "magie" en connaissance de cause car nous avons une forme de magie sur Terre, il n'y a rien qui arrive, donc, sur Ankh-Morpork qui n'arrive partout ailleurs dans le monde.
Pouvez-vous me dire que la Terre n'est pas plate ? Oh, évidemment vous avez vu des photos, des images, vous comprenez les maths, vous comprenez la physique mais vous ne pouvez pas me dire que la Terre n'est pas plate car si on va sur un lieu surélevé, on ne voit toujours qu'un disque. Donc même géographiquement, nous sommes comme le Disque-monde.
C'est une tournure d'esprit. Je ne crois pas que l'Australie existe car je ne suis jamais allé là-bas. Tout comme, je ne crois pas à la Suisse car je n'y suis jamais allé. Je ne crois pas que des lieux existent si je n'y suis jamais allé. Si j'y suis allé, alors je sais que ça existe. Je ne crois que ce que je vois.


Q : Ma question suivante est un peu bizarre. Est-ce que Terry Pratchett est sain d'esprit et digne de confiance ?

R : Sain d'esprit, oh oui ! Il est l'homme le plus sain d'esprit que j'ai jamais rencontré. Et digne de confiance ? Oui, certainement. Je le sais parce qu'un jour je lui ai prêté cinq livres et il m'a remboursé rapidement, dans un pub.
Il est l'homme le plus sain d'esprit que j'ai jamais rencontré. Il faut être très très très sain d'esprit pour pouvoir écrire sur l'insanité. Il faut être très observateur et avoir une large expérience de ce qu'est l'être humain pour être capable d'écrire sur les échecs et les tentations des êtres humains de la manière dont il le fait. Terry est un auteur de l'envergure de G. K. Chesterton, à mon avis, ou de Kipling ou Dickens. Si on le compare à Dickens, tous deux écrivent sur les conditions sociales, tous deux exposent, par le biais de l'humour et de l'observation, les problèmes internes à la société et tous deux sont des écrivains "commerciaux" soucieux de leurs lecteurs, car à l'évidence, Terry se soucie de ses lecteurs.
Donc il est sain d'esprit et digne de confiance car un jour je lui ai prêté cinq livres et il m'a remboursé rapidement, dans un pub.


Q : Quelles sont ses influences ?

R : Chesterton, car c'est un de ses auteurs préférés mais il a aussi été influencé par les heures qu'il a passées dans les tribunaux anglais pour y faire ses rapports et il a vu comment les gens réagissaient dans de nombreuses situations, et aussi par un brûlant désir de devenir un écrivain, désir qu'il a eu pendant pratiquement toute sa vie.


Q : Pensez-vous que ses livres sont subversifs ?

R : Oh oui, certainement. Merveilleusement subversifs, délicieusement subversifs, superbement subversifs car il force, non car il séduit les gens et les amènent à s'examiner et examiner leurs semblables en même temps sous un angle différent et ça, c'est subversif. Quand on lit un livre comme Va-t-en guerre ou De petits Dieux, on est amené à considérer obliquement la religion ou la hiérarchie militaire ou la guerre en général. Si on lit Va-t-en guerre maintenant, quand votre pays, la France, dit non à la guerre, quand des gens dans tout le pays disent non à la guerre, et quand le gouvernement [anglais] va [5] quand même envoyer à la mort ses soldats, quand on lit Va-t-en-guerre, qui se passe dans un désert de sable, c'est subversif, c'est séditieux. Et ça sonne juste.


Q : Ma dernière question, la plus stupide de toute. Ook ?

R : (Éclat de rires) Voilà, tout est dit. Et c'est le résultat d'un pur accident. Et pourtant cette "expression" n'a l'air de rien mais ça a eu un effet domino et maintenant vous pouvez me dire dans un français parfait et familier "ook" et je peux vous répondre dans un anglais de l'eastend non moins parfait "ook" et on se comprend complètement. C'est un langage universel


Q : Mieux que l'espéranto ?

R : Exactement, et je dis à tous les fans français "ook, LE ook" [6]


[1] : SORT en version française.
[2] : "satanée magie noire", c'est ce que j'ai trouvé de plus correct pour traduire "fucking awful magic"
[3] : "foutu meurtrier", il y a un jeu de mot quasi-intraduisible. En anglais, c'était "bloody killer". "Bloody" signifie "foutu" mais aussi "sanglant".
[4] : "un tel bazar", "sacré bordel" serait plus proche de l'anglais mais bon...
[5] : l'interview a eu lieu avant le début de la guerre contre l'Irak, elle a eu lieu le 15 mars 2003.
[6] : en français dans l'interview donc c'est non traduit, ça se passe de traduction. Le jour où tout le monde parlera le ook, je serai au chômage.