Pratchett : La Guylde des Valeurs Rapporteurs, © Kidby, modifié pour les besoins du site

Pratchett : Le Grand Lyvre du Savoyr

Pratchett : Le Conseyl de la Guylde

Pratchett : La Salle des Membres

Pratchett : Le Couloyr des Appartenances

Pratchett : La Byblyothèque

Pratchett : Les Concours

Pratchett : Les Paroles sacrées

Pratchett : Les Lyens

Pratchett : Le Lyvre d'Octefer
Pratchett : Nous contacter

C'était par une nuit noire et orageuse, une de ces nuits où les villageois préfèrent se cacher sous les draps [1]. Nounou Ogg, comme à son habitude, ouvrit son salon pour laisser entrer le groupe de discussion, constitué ce soir de : Nounou Ogg elle-même, Shan, Kring, ReM, et de votre serviteurs Jack (moi en bref). Ce soir, sous ce toit, allait être dévoilé la véritable histoire du

Soldat noyé.

Ce qui suit va peut-être être pour vous une révélation, ou simplement une anecdote sur la vie à Lancre, mais sachez que tous ce que vous lirez est vrai.

ReM : "On raconte des tas d'histoires sur le frottis : qu'on le distille dans les marais selon d'anciennes recettes transmises tant bien que mal de père en fils, que les seules pommes qui font du bon frottis sont la Grenouillette de Lancre, la Golden désagréable et la Mamie Martin...
Rien n'est vrai pour ce qui est des rats, des têtes de serpent ou de la grenaille de plomb. La légende du mouton crevé : pure invention. On peut oublier toutes les variations sur l'histoire du bouton de culotte. En revanche, celle qui recommande de ne pas le mettre en contact avec du métal est parfaitement authentique. De même que celle sur le soldat noyé..."

À peine ces mots prononcés, un puissant éclair éclaira la pièce, laissant entrevoir une sombre silhouette adossée à la porte. Son ombre s'étendait sur l'assemblé, glaçant nos cœurs d'effroi [2]. Posant une main rachitique sur la rampe, elle descendit lentement l'escalier, nous laissant comprendre notre futilité et l'impossibilité de nous échapper de ses griffes. Écartant les bras comme pour nous étreindre, elle... se prit les pieds dans sa cape et, dans un mouvement plein de grâce [3], se vautra lamentablement par terre.

L'ombre : "Aieeeee".
L'ombre se révéla être l'ancien conteur du village, venu ce soir nous narrer la légende du soldat noyé [4].

Le groupe s'assit autour d'une table, écoutant attentivement le conteur :
"C'était il y a bien longtemps..."
Nounou Ogg : "Bon ben puisque ça risque de durer, j'vais aller nous chercher à boire"
Le reste du groupe : "Chutttt ! ! ! ! !"
Nounou Ogg : "Bon, d'accord, d'accord."
"C'était il y a bien longtemps, ici même, dans cette auberge, la nuit venait à peine de tomber. Dans la douce chaleur du crépuscule, quelques âmes se reposaient de leur dure journée de labeur [5]. En ce temps-là, l'auberge où nous nous trouvons appartenait à l'arrière-grand-père de Nounou Ogg. Il la dirigeait avec l'aide de sa fille, son seul et unique enfant [6].
Le père : - Non et non !
La fille : - Écoute, tu n'as pas le choix !
Le père : - Cette recette ne peut se transmettre que de père en fils !
La fille : - Oui mais tu n'as pas de fils. Mamie avait bien appris la recette du frottis, elle !
Le père se rembrunit soudain.
- Oui mais ta mamie avais décrété qu'elle était un homme, et qu'elle passerait sur le corps de celui qui oserait dire le contraire [7].

Un jeune soldat, fuyant on ne sait quelle guerre [8], ayant bu déjà quelques verres, laissa échapper : "De toute façon, une fille, ça tient pas l'alcool."
La grand-mère de Nounou Ogg, Nanny, prompte comme toutes les Ogg, se retourna vers le soldat pour l'extermination totale de l'intrus : "On parie ? ? ?"

Les deux concurrents s'installèrent autours d'une table, un tonneau de frottis installé à côté d'eux. Ce qui suit est un extrait du dialogue qui suivit le combat :

Premier verre
Nanny : - Alors, moucheron ?
Soldat : - J'suis encore debout... Au fait, Barman, y'a une flaque près de la porte.

Deuxième verre
Nanny : - Tu tiens toujours ?
Soldat : - Aucun problème. Hips. Au fait, Barman, c'est joli, cet étang dans le salon.

Troisième verre
Nanny : - Alors, la forme ?
Soldat : - Hécestpasunverrequivamerendreplétementbourréhipships. Au fait, machin, vous avez dû laisser le..., comment, la, le..., truc avec de l'eau pour se laver. Enfin bref, j'crois que vous l'avez pas éteint, y'a de plus en plus d'eau dans cette salle."

La suite de l'histoire ? L'homme se leva brusquement de la table, rendu ivre par le frottis, et se précipita vers la première porte qu'il vit, hurlant à qui voulait l'entendre (c'est-à-dire à personne) qu'il était en train de se noyer. Culbutant dans les marches, il se retrouva dans la cuve de suicidre où il s'y noya.

Le père : - Oh, ben m*rde [9] alors...
La fille : - Ouaip ! dit-elle sur un ton laissant entendre qu'il y a pire dans la vie que de mourir [10].
Le père : - Mais comment, comment... Puis après un moment de réflexion... "Il s'est noyé ? !"
La fille : - Ouaip !
Le père : - Mais la cuve est vide ! ! ! !

Ainsi mourut le soldat, tellement ivre qu'il s'imagina en train de se noyer, son cerveau ne faisant plus la différence entre l'hallucination et la réalité.

Le père et la fille se regardèrent, comprenant que ce mort ferait une mauvaise réputation à leur établissement... enfin, pire que la réputation de la fille. Prenant leur courage à deux mains, ils empoignèrent de pleines poignées de soldat et le balancèrent dans une cuve pleine de suicidre, afin qu'il s'y dissolve [11].

Le conteur sembla soudain sortir de ses pensées : "Enfin, ainsi naquît la légende. Paraît-il qu'on trouva la cuvée de frottis excellente cette année là."

Un éclair zébra l'horizon, faisant sursauter le groupe.
Le conteur : "Bien, il se fait tard, je crois qu'il est temps que je m'en aille."
Le conteur s'en alla dans la nuit, laissant le groupe seul à ses réflexions avec Nounou Ogg.

Shan : "C'était une de tes ancêtres ? !
Nounou Ogg : - Hé, oui. La perversité à ce point; ça remonte à loin.
ReM : - c'est ce qu'il s'est réellement passé Nounou Ogg : - Presque, mais pas tout à fait.
Jack : - Raconte.

Nounou Ogg: "C'est une histoire que l'on se raconte dans la famille. Il faut savoir que mon aïeule était une sorcière, elle était donc capable de voir l'invisible. C'est parce que les gens ne retrouvèrent pas le corps qu'ils crurent que celui-ci avait été jeté dans la cuve de suicidre. En fait, elle aperçut La MORT, approcher du corps, préparant sa faux, quand soudain le - comment dire ? - le corps se releva d'entre les morts. Titubant légèrement sous l'effet du frottis.

La MORT, perplexe, consulta le sablier du soldat, constatant que celui-ci était vide (le sablier, pas le soldat, non mais qu'est-ce que vous allez imaginer ?).
La MORT : "HEU... VOUS ÊTES MORT !"
Le soldat : "Bonjour gente dame, hips, quelle belle robe. Mon coeur bat pour vous."
La MORT : "C'EST LÀ LE PROBLÈME. IL NE BAT PLUS DU TOUT. VOUS ÊTES MORT.
Le soldat : "Mais non, j'suis pas mort, regardez. Le soldat se mit à nager dans ce qu'il semblait être une idée de l'eau.
"Est-ce qu'un mort pourrait faire ca ?"
La MORT : DISONS PLUTÔT QU'UN VIVANT AURAIT DU MAL À NAGER DANS DE L'EAU QUI N'EXISTE PAS... NON, MAIS OÙ ALLEZ-VOUS... REVENEZ ! ! !"

Le soldat sortit de l'auberge par la fenêtre, nageant pour atteindre la montagne.

Après quelques temps, obtenant ce que l'on croit après la mort, La MORT laissa le soldat sans séparer son âme de son corps [12].

Certaines nuits, on entendrait encore le soldat ivre clamer au monde qu'il n'est pas mort, et que d'ailleurs si ça gêne pas, il reprendrait bien un verre de ce truc avec des pommes.
Ainsi fût la véritable histoire du soldat noyé... Bien, maintenant que l'histoire est terminée, je vais aller me coucher. C'est que je me fais vieille."
Jack : "Ah bon ? Tu héberges Casanabo ?"
Nounou Ogg sourit discrètement.

Laissant Nounou Ogg seule (ou presque), les membres rentrèrent chez eux. Certains, ce soir là, crurent percevoir quelques gloussements au loin, ainsi qu'une légère odeur de pomme fermentée.

Quand vous rentrerez tard le soir, emmenez un verre de frottis avec vous, on ne sait jamais qui vous pourrez rencontrer.


Fin

(Cliquez sur le numéro de la note pour retourner au texte)

[1] : Et jurent le lendemain matin : "Moi, j'ai pas eu peur du tout, et toi ?"
[2] : Et jurent toujours le lendemain matin : "Moi, j'ai pas eu peur du tout, et toi ?"
[3] : Enfin autant de grâce que représente un vol plané involontaire dans un escalier, surtout depuis les marches du haut.
[4] : Ce qui suit est une traduction de ce qui a été dit, la discussion originale se déroulant à peu prés ainsi : "Et j'ui ai dit, j'ui est dit hips _ c jolie une marre à l'intérieur d'une auberge _ oh une otarie qui porte La MORT sur l'eau_ honk honk honk.
[5] : En bref se saoûlaient.
[6] : Nous avons d'ailleurs obtenu quelques témoignages, à ce propos : "Pourquoi pas d'autres enfants ? ? ? ? Parce que si j'ai encore une Ogg, j'la fini à la machette". Ce qui montre bien le caractère des filles de la famille.
[7] : Personne ne s'interpose entre une Ogg et le frottis.
[8] : En fait, il ne voulait pas travailler dans le salon de coiffure de son papa (rue courte à Ankh-Morpork), et l'armure, selon ses dires, "ça attire les filles comme les mouches".
[9] : On ne vit pas près des nains sans prendre quelques tics de langage (voir "Pieds d'Argile").
[10] : Vous n'espériez pas voir une Ogg sortir hystérique en hurlant quand même. Une tortue est plus impressionnable qu'une Ogg (même un caillou est plus impressionnable).
[11] : Après plusieurs tests de notre part, il semblerait que le suicidre dissolve bien le soldat de base.
[12] : Certains racontent que La MORT l'aurait poursuivi sur une otarie faisant "Honk Honk Honk", pendant que lui s'échappait en bateau. Le frottis entraîne parfois ce genre d'idée.

Retour à la liste des débats sur les Annales du Disque-Monde